Dans les prochains jours, l'avenir des familles se joue au Sénat. Les élus doivent débattre du projet de loi adopté par l'Assemblée nationale et se prononcer, du mardi 2 au jeudi 4 février, sur la loi de bioéthique. Celle-ci modifie considérablement les fragiles équilibres de la procréation et la recherche sur l'embryon. Avec son accord et à sa demande, je vous propose d'écouter la conférence organisée le 18 décembre 2020 par Mme Clotilde Brunetti, Maître de conférence HDR à l'Université de Reims Champagne-Ardenne, Responsable du Centre de recherche sur le couple et l'enfant, Cejesco, sur ce projet de réforme. https://mediacenter.univ-reims.fr/channels/LEDROITDELAFILIATION/vodplayer/137
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La signature de la convention de divorce par consentement mutuel sécurisée
La décision à caractère normatif n° 2018-003 portant modification de l’article 7.2 du règlement intérieur national de la profession d'avocat (RIN) a été publiée au JO le 30 avril 2019. Elle précise les obligations du rédacteur d’actes. Cette décision avait été adoptée par l'assemblée générale du Conseil national des barreaux des 8 et 9 février derniers après concertation de la profession. L’article 7.2 du RIN est complété de deux nouveaux alinéas qui précisent que « L’acte […] est signé par l’avocat ou les avocats rédacteurs désignés à l’acte » et que la convention de divorce par consentement mutuel « est signée, en présence physique et simultanément, par les parties et les avocats rédacteurs […] sans substitution ni délégation possible ». Cette modification vise à sécuriser la pratique de divorce par consentement mutuel tout en valorisant le recours à l’acte sous signature privée contresigné par le ou les avocats des parties conformément à l’article 1374 du Code civil. Ces obligations s'appliquent également à la signature électronique L'opportunité de dématérialiser la convention de divorce par consentement mutuel, offerte par la modification de l’article 1175 du code civil, ne doit cependant pas faire oublier les conditions strictes de validité prévues par les articles 229-3 du code civil et 1145 et suivants du code de procédure civile. L’article 7.2 du RIN s’applique également à la signature éléctronique de l'acte. Elle doit donc avoir lieu en présence des époux et des avocats réunis ensemble dans un même lieu. Le Conseil national des barreaux travaille à la mise à disposition des avocats d'un outil leur permettant de satisfaire à ces exigences via la plateforme e-barreau. La recherche médicale a mis au point de nouvelles techniques telles que la méthode Crispr / Cas9, le don de mitochondrie ainsi que la procréation avec des gamètes artificielles issus de cellules iPS.
Actuellement il est interdit en France de créer des embryons humains transgéniques ou chimérique ce qui constitue pour les chercheurs un obstacle à l'utilisation de la méthode Crispr / Cas9. Le débat porte également sur la définition de l'embryon. Ce dernier n'est pas défini dans notre législation. La question est : à quel stade l'embryon existe juridiquement ? L'intervention via Crispr / Cas9 peut intervenir dès le stade pronucléaire de l'ovule dont il modifie les gènes se transmettant à la descendance. L'usage d'une telle technique dans le cadre reproductif est donc impossible en l'Etat. Dans le cas du transfert de mitochondrie, la question est de savoir si la technique suppose une transformation de la lignée germinale. Dans le cas de l'utilisation de cellules iPS, l'unique contrainte juridique repose toujours sur l'interdiction de créer des embryons à des fins de recherches. Ces trois techniques sont donc en l'état interdites en France puisqu'elles induisent la création d'embryons. Les chercheurs vont donc faire pression pour obtenir des parlementaires la suppression de cette interdiction. Quel est l'intérêt ? Il pourra permettre à une poignée de chercheurs français de rivaliser avec une poignée de chercheurs étrangers dans un domaine qui ne concerne que 0,000..01% de la population mondiale ! Quelle est l'opportunité de ces recherches alors qu'il est annoncé dans quelques années une terre peuplée de plus de neuf milliards d'humains alors que ces mêmes humains devront survivre avec une production agricole et des ressources en eau limitées. Le meilleur des mondes d'Aldous Huxley ? On y est déjà ! Source : AMP Révision lois de bioéthique Intervention germinale RGDM, septembre 2018, n°68, p.43 Les parlementaires vont à nouveau se pencher sur cet ado capricieux qui veut tout et n'importe quoi. Vont-ils céder ? Et pour quels motifs ? Voici l'avis officiel du Comité Consultatif National d'éthique publié le 25 septembre 2018 attendu par la nouvelle classe politique qui permettra tous les dérapages.
Le gouvernement explique que l’extension de la PMA n’entraînera pas la levée de l’interdiction de la gestation pour autrui (GPA). Y croyez-vous une seconde ? Non ! D’abord parce que lorsqu’il y a eu le Mariage pour Tous, on nous avait déjà affirmé qu’il n’y aurait pas de PMA. Au nom de quoi refuserait-on aujourd’hui la GPA ???
Jean-Michel POUGHON. Professeur à l’Université Robert Schuman (Strasbourg) s'interroge : Peut-on être propriétaire de son corps ? Les débats à venir peuvent aller très loin et amener notre pays vers une société de la marchandisation complète du corps, un retour en quelque sorte à l'esclavage sous l'empire romain du premier siècle !
Est-ce cela que nous voulons au 21ème siècle ? Marie Mesnil, Maîtresse de conférences en droit privé à l’Université de Rennes 1, rattachée à l’Institut de l’Ouest : Droit et Europe (IODE), UMR CNRS 6262, associée à l’Institut Droit et Santé, Inserm UMR_S 1145, Faculté de droit, Université Paris Descartes, Sorbonne Paris Cité, a publié un passionnant article sur les limites à l'accès des femmes aux techniques reproductives selon leur conjugalité dans le Journal de Droit de la Santé et de l’Assurance Maladie / Numéro 19 - 2018 page 28.
Quand le droit conforte la norme sociale relative à la conjugalité hétérosexuelle : les limites à l’accès des femmes aux techniques reproductives L’étude de l’actualité éthique et juridique de ces derniers mois au sujet des techniques reproductives permet de mettre en exergue de quelle manière le droit conforte certaines normes sociales1. Dans un précédent article2, l’analyse conjointe de l’avis n° 126 du 15 juin 2017 du Comité consultatif national d’éthique (CCNE)3, de la délibération du Conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine adoptée le 8 juin 20174 et de deux arrêts rendus par le Tribunal administratif de Montreuil le 14 février 20175 a mis en lumière de quelle façon l’encadrement des techniques reproductives -en particulier la condition d’accès aux techniques de procréation médicalement assistée (PMA) tenant à « être en âge de procréer » mais aussi l’interdiction de l’autoconservation ovocytaire- conforte la norme sociale relative au bon âge de la maternité. Il est en effet apparu que la condition légale d’accès aux techniques de PMA apparemment neutre est en pratique apprécié très différemment pour les femmes et les hommes. En outre, le remboursement des actes n’est assuré que jusqu’au 43ème anniversaire de la femme alors qu’aucune condition relative à l’âge de l’homme n’a été définie quant à la prise en charge par l’assurance maladie des frais de santé liées à la PMA. La norme sociale importante en matière de reproduction, à savoir celle relative au bon âge pour être mère, s’exprime encore plus visiblement lorsqu’est considérée la question de l’autoconservation ovocytaire. En définitive, nous avons montré que sous un critère apparemment neutre et des considérations prenant appui sur des données médicales (les risques liés aux grossesses tardives) s’expriment en fait des règles de conduite qui existent au sein de la société et qui traduisent ses idéaux et valeurs dominantes. Si l’usage recommandé des techniques de PMA et l’interdiction actuelle de l’autoconservation ovocytaire confortent la norme sociale relative au bon âge de la maternité, ce n’est pas la seule norme sociale qui est implicitement consacrée à travers le cadre relatif aux techniques reproductives. En effet, l’encadrement actuel des techniques de procréation médicalement assistée promeut également une certaine définition de la famille, fondée sur la conjugalité hétérosexuelle. Cette dernière tend toutefois à être remise en cause : l’avis n° 126 du CCNE se prononce en effet timidement en faveur de l’ouverture de l’accès aux techniques de PMA -et en particulier de l’insémination avec donneur- aux femmes seules ou en couple lesbien6. Ces demandes sont toutefois présentées comme étant « sociétales » par le CCNE7 qui reprend à son compte le cadre conceptuel actuel qui oppose les infertilités pathologiques justifiant la prise en charge du projet parental aux autres projets parentaux, jugés quant à eux illégitimes. En l’état actuel du droit français, il est nécessaire d’être un couple composé d’un homme et d’une femme pour accéder aux techniques de PMA. Il en découle que l’altérité sexuelle autant que la conjugalité sont des conditions d’accès aux techniques, ce qui conduit à exclure du bénéfice de ces actes médicaux les couples de femme et les femmes seules. Si ces conditions tendent à être remises en cause, notamment par le CCNE dans son avis n° 126 (I), ils n’en demeure pas moins que le modèle naturaliste sur lequel repose le cadre juridique actuel conduit à poser la question de la pertinence du remboursement de techniques mises en œuvre en dehors d’indications médicales (II). Outre le remboursement, il convient également de considérer quelles pourraient être les évolutions concernant l’établissement de la filiation des enfants nés par le biais de ces techniques (III). I - La timide remise en cause de la conjugalité hétérosexuelle comme condition d’accès à la PMA Il apparaît d’autant plus difficile de penser l’ouverture de l’accès aux techniques de procréation médicalement assistée à toutes les femmes, qu’elles soient célibataires ou en couples lesbiens, que le cadre juridique actuellement en vigueur est empreint de naturalisme : seuls les couples hétérosexuels peuvent souffrir d’une infertilité qui serait pathologique justifiant l’intervention de la médecine de la reproduction (A). Les critères relatifs à la conjugalité et à l’altérité sexuelle, bien qu’implicites, ont été dénoncés comme discriminatoires par plusieurs instances mais le CCNE, qui s’est prononcé le plus récemment en faveur de l’ouverture de la PMA à toutes les femmes, l’a fait plus timidement après avoir mis en perspective un certain nombre de points de butée avec les principes éthiques d’autonomie, de bienfaisance et de nonmalfaisance (B). A. Un cadre juridique fondé sur la stérilité pathologique du couple Le cadre juridique existant en droit français en matière de procréation médicalement assistée a été mis en place par les lois de bioéthique de 1994 en reprenant les usages médicaux antérieurs. Si des évolutions sont intervenues à l’occasion du réexamen périodique des lois de bioéthiques en 2004 et 2011, celles-ci ne changent pas l’esprit de la loi et au contraire, contribuent à en renforcer les principales caractéristiques. En effet, à travers les conditions d’accès aux techniques de procréation médicalement assistée définies à l’article L. 2141-2 alinéa 2 du Code de la santé publique, est consacré un modèle familial naturaliste : « l’homme et la femme », « vivants » et « en âge de procréer », forment un couple hétérosexuel à l’apparence fertile, permettant de faire comme s’ils avaient eux-mêmes procréé l’enfant. Les conditions d’accès reposent sur des considérations biologiques et les formes juridiques classiques définissant les couples ne sont pas prises en considération. Il était ainsi initialement prévu pour les couples qui n’étaient pas mariés de justifier d’une vie commune stable et ce délai de deux ans recouvrait alors la définition médicale de l’infertilité, à savoir une absence de grossesse après deux ans de rapports sexuels non protégés. La condition de stabilité qui ne concernait que les couples en concubinage a été supprimée en 20118 et désormais la forme juridique du couple est absolument indifférente. Tant qu’il s’agit bien d’un couple hétérosexuel dont les deux membres sont vivants et en âge de procréer, les conditions d’accès à la procréation médicalement assistée sont quasiment remplies. Quasiment remplies car outre ces critères, il faut également que la procréation assistée ait « pour objet de remédier à l’infertilité d’un couple »9. Jusqu’à la révision de 2011, il était aussi précisé que « l’assistance médicale à la procréation est destinée à répondre à la demande parentale d’un couple ». Cet alinéa a été supprimé et il a été rajouté que « le caractère pathologique de l’infertilité doit être médicalement diagnostiqué »10. Ces modifications conduisent à renforcer la construction du droit de la PMA comme répondant uniquement à une « indication médicale », à savoir la stérilité pathologique du couple, passant totalement sous silence le fait que c’est pourtant « la demande parentale d’un couple » qui est seule à l’origine de la démarche. Par ailleurs, il est intéressant de constater qu’en pratique, l’infertilité du couple formé d’un homme et d’une femme est présumée en absence de grossesse et que l’infertilité est prise en charge même s’il s’agit d’une forme idiopathique, c’est-à-dire dont la cause est inconnue. Les infertilités idiopathiques recouvrent plusieurs situations : il peut s’agit de couple fertile mais qui présente un retard à concevoir ou de couple dont un membre présente des anomalies qui n’ont pas été identifiées à partir des examens usuels. Un certain nombre de couples d’ailleurs une grossesse spontanée après avoir eu recours -avec succès ou non- à la PMA11. L’infertilité a été construite comme étant pathologique pour être prise en charge par des équipes médicales alors qu’il s’agit toujours d’une réponse à un désir d’enfant. De la même manière, elle a été pensée comme une pathologie du couple quand bien même une seule des deux personnes aurait des difficultés pour procréer. En définitive, le projet parental porté par un couple hétérosexuel, du fait de la légitimité qui lui est associé, s’il est contrarié est toujours présumé l’être du fait d’une infertilité qui serait pathologique. Aussi l’opposition entre les infertilités pathologiques et celles qui seraient sociétales sert uniquement à rendre moins légitimes les secondes. B. La conjugalité et l’altérité sexuelle, deux conditions d’accès à la PMA innommées Le cadre relatif à la PMA traduit ainsi un très fort attachement à un modèle traditionnel de la famille, nécessairement conçue par un couple hétérosexuel. La conjugalité et l’altérité sexuelle peuvent être mises en exergue comme les deux critères implicites d’accès à la PMA. Ces conditions innomées du droit de la PMA tendent à être remises en cause depuis plusieurs années. Il était en effet question de l’ouverture de la PMA aux couples de femmes lors des débats ayant précédé l’adoption de la loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe même12 si un autre véhicule législatif (la grande loi famille) avait rapidement été envisagé puis abandonné. Dans cette optique, un rapport avait été demandé par la Ministre chargée de la famille de l’époque, Madame Dominique Bertinotti, à la sociologue Irène Théry et à la professeure de droit Anne-Marie Leroyer. Le groupe de travail « Filiation, origines, parentalité » a publié un rapport intitulé « Le droit face aux nouvelles valeurs de responsabilité générationnelle » en 201413. Il y est notamment proposé d’ « ouvrir l’accès à l’assistance médicale avec tiers donneur aux couples de femmes, dans les mêmes conditions que pour les couples de sexe différent »14. Cette proposition s’inscrit dans le cadre d’une réflexion plus générale sur la distinction entre filiation et origines et une remise en cause du modèle actuel « du ni vu ni connu » qui efface le recours à la procréation médicalement assistée ; cela implique alors de repenser l’adoption plénière et de permettre l’accès à l’identité du donneur de gamètes et dans tous les cas d’organiser la transmission des données non identifiantes le concernant. Ces recommandations n’ont pas été prises en compte et face à l’immobilisme du législateur quant à une éventuelle ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules, deux instances spécialisées sur les questions d’égalité entre les femmes et les hommes et les discriminations ont pris position. Le Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes adopte ainsi un avis le 26 mai 2015. Dans un premier temps, il y est mis en exergue que la loi actuelle est dépassée par la réalité des familles et des pratiques et pose des problèmes notamment sanitaires et sociaux. Dans un second temps, le caractère discriminatoire du droit encadrant actuellement la PMA et la parenté est mis en avant : la limitation d’accès à la PMA aux seuls couples hétérosexuels constituerait en effet une discrimination en raison de l’orientation sexuelle (exclusion des couples de femmes) et de la forme conjugale (exclusion des femmes célibataires). Aussi, il est recommandé d’étendre l’accès à la PMA à toutes les femmes sans discrimination afin de « de franchir un pas supplémentaire vers l’égalité des droits entre toutes et tous » et de renforcer les « droits sexuels et reproductifs, dans la continuité des avancées vers la maitrise par les femmes de leur fécondité, et la libre-disposition de leur corps »15. Quelques jours après, le Défenseur des droits se prononce, lui aussi, en faveur de l’ouverture de la PMA à toutes les femmes « sous l’angle de l’égalité d’accès à une technique médicale », à avoir l’aide médicale à la procréation16. Le Comité consultatif nationale d’éthique -qui s’était autosaisi de cette question dès le début de l’année 2013- a rendu un avis traitant notamment de ce sujet le 15 juin 201717. Les membres du CCNE ont d’abord procédé à une analyse de plusieurs « points de butée », à savoir l’absence de père ni « socialement présent, ni juridiquement institué dans la vie de l’enfant » et les « répercussions potentielles sur les structures familiales dans lesquelles les enfants seront élevés, sur les enfants eux-mêmes, et sur l’organisation médicale de la prise en charge de ces demandes »18 avant de se prononcer, à la majorité, en faveur de l’ouverture de l’insémination avec donneur (IAD) aux demandes des couples de femmes et des femmes seules. Cette position conduit à remettre en cause l’altérité sexuelle comme indispensable pour procréer ; cela semble néanmoins difficile à concevoir pour les membres du CCNE : il est ainsi souligné dans l’avis qu’ils ont rendu que la « disjonction entre sexualité et procréation » est « ici particulière parce qu’elle introduit (…) une nouveauté anthropologique dans le choix d’un couple de femmes ou d’une femme seule d’utiliser la technique à la place de l’acte sexuel fécondant pour accéder à la procréation »19. De la même manière, le recours à la PMA par des femmes seules est présenté comme étant motivé par le fait que ces dernières « veulent un enfant sans avoir de relations sexuelles avec un homme »20. Il aurait pu être envisagé le fait qu’elles n’ont pas -encore- trouvé une personne pour les accompagner dans leur projet parental. Recourir à l’IAD semble ainsi conçu et présenté comme un refus -à la fois peu compréhensible et difficilement admissible- d’une sexualité hétérosexuelle. Pour les couples hétérosexuels, la condition de stérilité pathologique est remplie du fait de l’absence de grossesse sans que les médecins s’assurent de la teneur et de l’effectivité des rapports sexuels -de telles investigations seraient par ailleurs invasives, tout comme les considérations des membres du CCNE à l’égard des femmes qui souhaitent réaliser un projet parental avant d’être trop âgées, en absence de possibilité de congeler leurs ovocytes. En plus de cette véritable injonction à la sexualité hétérosexuelle, le CCNE insiste sur la nécessité de l’altérité sexuelle dans l’éducation de l’enfant à naître : il est ainsi souligné que « les femmes seules ou en couple qui choisissent de procréer en utilisant du sperme de donneur font le choix délibéré d’élever un enfant dans un cadre parental qui ne comprend pas de père »21 et que « pour les enfants nés par don de sperme dans un couple de femmes ou d’une femme seule, il n’y aura pas de lignée paternelle, ni de référence à la succession des générations de ce côtéci de sa généalogie »22. La lignée paternelle semble être fondamentale et irremplaçable : pour les femmes seules, elle devrait donc exister dès la naissance de l’enfant et elle n’aurait pas vocation à être éventuellement complétée par la suite ; pour les couples de femmes, elle ne pourrait pas être remplacée par une seconde lignée maternelle, quand bien même il y aurait une référence à la succession des générations de ce côté-ci de la généalogie. L’hétérosexualité est ainsi affirmée comme une norme sociale, indispensable à la procréation et à la constitution d’une famille. En dépit de ces développements a priori peu favorables à l’ouverture de la PMA à toutes les femmes, le CCNE se prononce néanmoins en faveur de cette mesure. Dans une opinion dissidente, onze membres souhaitent, au contraire, maintenir le statu quo , notamment « au regard des incertitudes soulevées »23. Ces incertitudes concernent d’abord l’enfant, identifié comme un tiers vulnérable mais il est également mis en avant l’insuffisance des moyens humains et financiers de la médecine ainsi que des dons de sperme ; ce qui justifierait de répondre en priorité aux situations pathologiques. Il est en effet impossible de réfléchir à l’ouverture de la PMA à toutes les femmes sans envisager les conséquences pratiques de celle-ci en termes de financement et de filiation. Ces sujets sont d’ailleurs -au moins en partie- traités dans les différents avis rendus sur cette question. II - La difficile prise en charge financière de la PMA en absence d’indication médicale » La question de la prise en charge financière du recours à la PMA n’est pas anodine compte tenu du coût important de ces techniques. Des réponses très différentes y sont toutefois apportées en fonction de la posture adoptée. Il apparaît ainsi d’un côté que la prise en charge du recours à la PMA pour les femmes seules et en couples lesbiens est difficile à penser lorsque celles-ci sont envisagées comme des « demandes sociétales » (A) alors qu’au contraire, le remboursement est préconisé lorsque la réalisation de ces projets parentaux est appréhendée sous l’angle des droits des femmes (B). A. Une prise en charge financière possible du fait de l’ « infertilité pathologique » Actuellement, le recours aux techniques de PMA est pensé comme un remède médical à une infertilité construite comme pathologique. Cette construction permet une prise en charge des frais de santé par l’assurance maladie. Le taux de remboursement est par ailleurs dérogatoire puisqu’il est de 100 % en cas d’infertilité comme pour les affections longue durée ou encore l’assurance maternité. La prise en charge de l’infertilité à 100 % connaît toutefois deux limites. La première concerne le nombre de tentatives qui peuvent être faites pour obtenir une grossesse : seules six tentatives d’insémination artificielle et quatre tentatives de fécondation in vitro sont prises en charge pour obtenir une grossesse. Il a par ailleurs été jugé qu’il importe peu que la grossesse ainsi obtenue soit ou non suivie de la naissance d’un enfant24. Alors que la première limite traduit le fait que les techniques peuvent se révéler inefficaces, la seconde vise à instaurer un niveau de régulation supplémentaire et conduit à une interprétation plus stricte de la condition d’accès tenant à l’âge de procréer. Il est ainsi prévu que les actes de procréation médicalement assistés soient pris en charge uniquement jusqu’au 43e anniversaire de la femme25. Il s’agit de l’expression d’une norme sociale tenant au bon âge de la maternité26. Cette limitation est principalement justifiée par les risques que les grossesses tardives ont sur la santé des femmes. Le Collège national des Gynécologues et Obstétriciens Français (CNGOF) avait toutefois proposé de repousser cette limite d’âge à 50 ans27 mais cela impliquerait d’avoir davantage recours à des dons d’ovocytes ou d’autoriser l’autoconservation ovocytaire. Le remboursement par l’assurance maladie permet un niveau de régulation supplémentaire : en effet, les femmes au-delà de 43 ans peuvent tout à fait remplir les conditions d’accès aux techniques de PMA et être prises en charge par les médecins. Ces couples dont la femme est toutefois trop âgée, c’est-à-dire âgée d’un peu plus de 43 ans, devront alors assurer eux-mêmes le poids financier du recours à la PMA alors qu’ils souffrent pourtant d’une « infertilité pathologique ». L’assurance maladie en refusant une prise en charge par la solidarité nationale de la réalisation médicalisée de ces projets parentaux leur dénie une part de légitimité, indépendamment du fait qu’ils reposent sur une « indication médicale ». Alors que certains projets parentaux ne sont pas pris en charge par l’assurance maladie alors qu’ils relèvent d’une infertilité pathologique, il apparaît particulièrement difficile de penser que les « demandes sociétales de PMA » soient prises en charge par la sécurité sociale. Dans cette perspective, le CCNE explique ainsi que « si, jusqu’à ce jour, il a été unanimement admis que la lutte contre l’infertilité d’origine pathologique impliquait une prise en charge totale, la question se poserait différemment en cas d’ouverture à des demandes sociétales d’AMP »28. Il est plus loin expliqué que cette différence de traitement est justifiée « par la différence entre infécondités de nature pathologique –bénéficiant d’une gratuité totale – et de nature sociétale –ne bénéficiant pas d’une telle gratuité. Les femmes dans cette seconde situation devraient payer les prestations médicales et le coût de préparation des gamètes (les donneurs continuant d’être soumis au principe de gratuité) »29. Il est toutefois souligné que « cette mesure aurait pour effet de réserver l’accès de l’AMP dite « sociétale » à des femmes aisées »30 et accentuerait donc les inégalités sociales de santé. La prise en charge financière différenciée des techniques de PMA, en fonction des personnes qui y auraient recours, marque la plus grande acceptabilité des projets parentaux portés par des couples hétérosexuels. Il n’est en effet jamais envisagé par le CCNE que certaines femmes, bien que seules ou en couples lesbiens, puissent également présenter des facteurs d’infertilité justifiant leur prise en charge par l’assurance maladie. Ce n’est donc pas tant la nature pathologique de l’infertilité qui justifie la prise en charge par les médecins et l’assurance maladie du couple que la conjugalité et l’hétérosexualité de celui-ci. Tant que la distinction entre stérilités pathologiques et demandes sociétales ne sera pas remise en cause, il sera difficile de penser la prise en charge financière de la PMA pour toutes les femmes. B. La nécessité d’un changement de paradigme pour penser la prise en charge financière de la PMA pour toutes C’est justement en changeant de paradigme que le Défenseur des droits et le Haut Conseil pour l’Égalité entre les femmes et les hommes recommandent l’ouverture de la PMA à toutes les femmes et la prise en charge financière de ce recours. Il est ainsi mis en exergue que « c’est sous l’angle de l’égalité d’accès à une technique médicale entre toutes les femmes que le Défenseur des droits appelle désormais à envisager la question de la PMA : l’égalité entre toutes les femmes dans l’accès à une aide médicale à la procréation »31. À la question de savoir si l’assurance maladie doit continuer de prendre en charge la PMA qui ne serait plus réservée à une « indication thérapeutique », il répond en recommandant d’en prévoir le financement. En effet, « la PMA restera un ensemble d’actes médicaux assurés par des médecins »32 ; la médicalisation de l’insémination avec donneur permet en effet d’assurer la sécurité sanitaire pour les femmes qui y ont recours et cela répond à des enjeux de santé publique. De la même manière, le Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes recommande d’ « aligner la prise en charge financière des actes de PMA pour les couples de femmes et les femmes célibataires sur les modalités de prise en charge prévues pour les couples hétérosexuels »33. Cela signifie concrètement qu’elles bénéficieraient jusqu’à leurs 43 ans d’une prise en charge à 100 % dans la limite de 6 inséminations et de 4 fécondations in vitro pour obtenir une grossesse. La principale justification apportée à cette proposition tient à l’égalité sociale d’accès à la technique qu’il convient de garantir34. En adoptant une approche fondée sur l’égalité entre toutes les femmes, le Défenseur des droits et le Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes permettent l’inscription des techniques de PMA comme des droits sexuels et reproductifs des femmes. Il devient alors nécessaire de s’assurer de l’effectivité de l’accès aux techniques reproductives et la prise en charge par l’assurance maladie des actes médicaux associés paraît alors indispensable. Il est intéressant de souligner que, même en absence d’indication thérapeutique, l’interruption volontaire de grossesse ou encore la stérilisation à visée contraceptive font l’objet d’une prise en charge étendue. Il ne s’agit pas en effet de répondre directement à une indication médicale mais d’assurer que les personnes qui souhaitent maîtriser leur fertilité puissent y avoir recours dans des conditions satisfaisantes et indépendamment de leurs moyens financiers. Il nous paraît important, au moment d’ouvrir la PMA à toutes les femmes, d’en réaffirmer la prise en charge au titre de la solidarité nationale et d’inscrire ainsi les techniques reproductives dans la sphère de la liberté reproductive. Cela est en outre cohérent avec les politiques familiales volontaristes. Dans la perspective où le remboursement des techniques de PMA ne serait pas assuré pour les couples de femmes et les femmes seules, cela témoignerait de la moindre légitimité accordée par le législateur à ces projets parentaux, contrairement à ceux portés par des couples hétérosexuels. De la même manière, les modalités d’établissement de la filiation doivent être définies. III- La délicate question de l’établissement de la filiation en cas d’ouverture de la PMA aux couples de femmes Tout comme pour le remboursement, la réponse apportée à la question de l’établissement de la filiation pour les enfants nés d’un projet parental porté par des couples de femmes ou des femmes seules peut être très différente selon la manière dont sont appréhendés ces projets parentaux. Les enjeux sont différents selon qu’il s’agit d’établir la filiation de la seconde mère, qui ne porte pas l’enfant (A) ou au contraire, de sécuriser l’absence de filiation à l’égard du donneur de sperme (B). A. L’établissement de la filiation à l’égard de la seconde mère Jusqu’à l’adoption de la loi du 17 mai 2013, il était impossible d’établir un second lien de filiation, y compris adoptif, à l’égard d’une personne du même sexe que le premier parent. L’ouverture du mariage aux couples de personnes du même sexe a eu pour effet de leur permettre de bénéficier des dispositions réservées aux couples mariés en matière d’adoption, à savoir l’adoption de l’enfant du conjoint ou encore l’adoption, en tant que couple marié, d’un enfant adoptable. Des incertitudes ont toutefois dues être levées quant à la possibilité pour une femme d’adopter l’enfant né d’une PMA réalisée avec sa conjointe à l’étranger. Dans son avis du 24 septembre 2014, la Cour de cassation estime que les conditions de conception de l’enfant, par le biais d’une insémination artificielle avec donneur anonyme réalisée à l’étranger, ne font pas obstacle au prononcé de l’adoption, « dès lors que les conditions légales de l’adoption sont réunies et qu’elle est conforme à l’intérêt de l’enfant »35. Les juridictions du fond ont alors pu prononcer des adoptions simples ou plénières, offrant un double lien de filiation à ces enfants et une forme de reconnaissance et de sécurité juridique pour leur famille. L’adoption constitue en l’état du droit positif le seul moyen d’établir la filiation d’une femme à l’égard d’un enfant dont elle n’a pas accouché quand bien même il aurait été conçu dans le cadre d’un projet parental qu’elle portait. Cela pose plusieurs difficultés : il est nécessaire d’être mariée et d’engager une procédure d’adoption après la naissance de l’enfant, qui n’aura pendant plusieurs mois qu’un seul lien de filiation. Les situations peuvent encore davantage se compliquer lorsque le couple se sépare avant d’avoir réalisé ces démarches… Dans la perspective de l’ouverture de l’accès à la PMA à toutes les femmes, il convient donc de s’interroger sur les moyens d’établir la filiation de l’enfant à l’égard de la seconde mère. En effet, la filiation est établie sans difficulté, conformément au droit commun par désignation de la mère dans l’acte de naissance, pour la femme qui accouche36. Qu’en est-il pour l’autre mère ? Si le CCNE admet qu’ « en cas d’accès à l’AMP demandé par des couples de femmes ou d’hommes, par des femmes seules ou des hommes seuls, par des transsexuelles, il faudrait réorganiser le droit de la filiation »37, il ne propose aucune piste concrète. Au contraire, l’usage de l’énumération de situations très différentes conduit à une grande confusion car l’AMP ne peut concerner des couples d’hommes ou des hommes seuls sauf à y intégrer la gestation pour autrui (GPA) - ce qui ne correspond pas à l’état actuel du droit français qui distingue nettement les techniques de PMA et la GPA. Le Défenseur des droits et le Haut Conseil pour l’Égalité entre les femmes et les hommes reprennent quant à eux la proposition faite dans le Rapport Théry-Leroyer d’instaurer la possibilité d’une déclaration commune anticipée de filiation pour tous les couples ayant recours à une PMA. Il s’agit d’une déclaration de reconnaissance signée par les deux parents devant un notaire : elle permet d’établir de la même manière la filiation pour les deux parents et de ne pas hiérarchiser entre le « parent biologique » et l’autre, ce qui « éviterait de passer par le principe de pseudo-filiation génétique »38. De la même manière, l’idée d’indiquer dans l’acte complet d’état civil le mode de filiation est reprise, ainsi que de rendre celui-ci accessible uniquement à l’enfant39. Cette proposition revient à créer trois modes distincts d’établissement de la filiation, à savoir la filiation charnelle, la filiation adoptive et enfin la filiation après recours à la PMA. Le fait d’aligner les règles d’établissement de la filiation sur le mode de conception de l’enfant contribue à singulariser voire stigmatiser le recours aux techniques de PMA et renforce l’idée -pourtant fausse- qu’un lien de filiation établi selon le droit commun dispose nécessairement d’un fondement biologique. La formulation même de « filiation charnelle » est trompeuse car le lien de filiation -et cela est encore plus vrai à l’égard du père- n’est pas établi sur un fondement uniquement biologique ; la présomption de paternité et la reconnaissance permettent, en absence de contestation, d’établir un lien de filiation sans qu’il existe nécessairement un fondement biologique et cela est renforcé par la possession d’état. Au regard de ces éléments, il nous paraît bien plus opportun de faire évoluer le droit commun de la filiation en y intégrant, comme c’est le cas actuellement pour les couples hétérosexuels, les projets parentaux réalisés par PMA. En ce sens l’instauration d’une présomption de co-maternité, à l’instar du dispositif mis en place en Belgique depuis le 1er janvier 2015, est intéressante en ce qu’elle change le sens de la présomption de paternité : à la place d’un fondement biologique, il serait désormais affirmé que l’enfant issu d’un couple marié est présumé être le fruit d’un projet parental commun. Une déclaration ou reconnaissance de maternité pourrait également être mise en place pour les couples de femmes qui ne sont pas mariées. Ces trois options -présomption de maternité, déclaration de maternité, déclaration commune anticipée- sont évoquées par le Défenseur des droits qui souligne l’importance de sécuriser « la filiation de l’enfant à naître et ce dès sa conception »40. En plus de l’enjeu de sécurisation de la filiation des enfants nés à la suite d’un projet parental porté par deux femmes, il convient également de reconnaître la légitimité de tels projets parentaux en ne les singularisant pas en créant des modes d’établissement de la filiation spécifiques. Intégrer ces projets parentaux au sein du droit commun pourrait au contraire être l’occasion de réfléchir aux modes d’établissement de la filiation et d’en faire évoluer les fondements. B. Sécuriser la filiation en définissant clairement la place du donneur de sperme Il est indispensable de réfléchir à la manière d’établir la filiation à l’égard de la seconde mère mais il faut également prendre en compte les enjeux relatifs au donneur de sperme, notamment en cas de recours à la PMA par des femmes seules. En l’état actuel du droit français, c’est-à-dire pour les couples hétérosexuels, l’anonymat du donneur de sperme41 est renforcé par une impossibilité légale d’établir un lien de filiation « entre l’auteur du don et l’enfant issu de la procréation »42. Le principe d’anonymat est un principe bioéthique général qui existe pour tous les éléments et produits issus du corps mais qui aurait pu être remis en cause en matière de PMA, du fait de l’existence d’un enfant né du don et de l’importance prise par la génétique ces dernières années au sein de notre société. Alors que certains enfants nés par PMA avec tiers donneurs se sont constitués en association pour réclamer une évolution de la loi sur ce point et ont intenté des actions en justice afin d’avoir accès à l’identité de leur géniteur, l’anonymat du donneur de sperme a résisté43. Il s’agit en effet d’une pierre angulaire dans le système actuel de la PMA où le recours aux techniques et éventuellement à des donneurs de gamètes est passé sous silence : l’homme et la femme, vivants et en âge de procréer ont l’apparence d’un couple fertile et le donneur a été choisi, selon une procédure d’appariement, afin de ressembler au membre du couple infertile. L’anonymat assure enfin la paix au sein de ces familles, qui peuvent choisir de ne jamais en parler à leur enfant. Ce système qui, en mimant la nature, efface les traces du recours aux institutions médicales et au donneur en établissant notamment la filiation selon le droit commun a ainsi pu être qualifié de « mensonge légalisé »44 ou encore de « crime parfait »45. L’ouverture de la PMA à toutes les femmes apparaitrait alors comme l’occasion de revoir ce dispositif afin de s’assurer -pour reprendre les slogans des personnes mobilisées contre l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe- qu’on ne mente plus aux enfants. Le mensonge ne réside pas, selon ces personnes, dans le fait de taire le recours à la PMA et à un tiers donneur mais dans l’absence d’altérité sexuelle dans le couple alors qu’elle est nécessaire à la procréation. Il tend en effet à y avoir une confusion importante entre la famille et la reproduction naturelle et entre la filiation et l’hérédité génétique alors que la famille et la filiation sont des institutions sociales et juridiques. Ces confusions sociétales se retrouvent d’ailleurs dans l’avis du CCNE qui explique qu’ « une procréation avec don de sperme, d’ovocytes ou d’embryon dissocie, d’une part la lignée génétique (maternelle ou paternelle) et, d’autre part, la filiation »46, comme s’il s’agissait de la seule hypothèse dans laquelle le fondement biologique à la parenté -le plus souvent la paternité- n’existait pas. La différence, d’ailleurs soulignée par le CCNE, lorsque les IAD sont réalisées par des femmes seules ou en couple est que s’il existe un géniteur, il n’y a « pas d’homme instituée juridiquement comme père »47. Cela apparaît comme un point de butée car à travers « l’absence de père », le CCNE pense qu’il s’agit d’une institutionnalisation de « plusieurs absences : absence de la figure masculine, absence de père juridique et inaccessibilité du géniteur, tant que celui-ci reste anonyme »48. Face à ces discours, il convient de limiter la place prise par le donneur de sperme à ce qu’il est : pour cela, il est indispensable de réaffirmer l’impossibilité d’établir un lien de filiation entre le donneur de sperme et l’enfant. Même s’il est un géniteur, il n’aura jamais vocation à devenir un père, même symbolique. Cela paraît d’autant plus important dans le cas où le recours à un donneur connu serait autorisé. Si la question de l’accès à ses origines biologiques pour les enfants nés de PMA doit être sérieusement posée au regard de l’intérêt de l’enfant, il convient de s’assurer que celle-ci ne serve pas de moyen pour réaffirmer l’altérité sexuelle. Dans la mesure où le gouvernement n’a pas souhaité inscrire l’ouverture de la PMA à toutes les femmes à l’agenda parlementaire avant et en dehors des lois de bioéthique, ce sujet est par conséquent débattu dans le cadre du processus de révision de ces lois. Il fait d’ores et déjà l’objet de discussions au sein des espaces de réflexion éthique régionaux. Toutefois, en absence de changement de paradigme, il paraît délicat de penser ces projets parentaux autrement que comme des « demandes sociétales ». La construction de la stérilité des couples hétérosexuels comme nécessairement pathologique doit être remise en cause au profit d’une approche fondée sur la liberté reproductive. Comme le Défenseur des droits nous y invite, il convient de penser les techniques de PMA comme relevant des droits sexuels et reproductifs de toutes les femmes, d’en assurer la prise en charge par la solidarité nationale et de sécuriser la filiation des enfants nés par ce biais. Dans le cas contraire, les discussions risquent de fortement ressembler au contenu de l’avis n° 126 du CCNE. Par ailleurs, débattre du fait qu’une femme seule ou qu’un couple de femmes puisse élever correctement un enfant, en absence de père, empêche de discuter d’autres sujets, comme la possibilité d’avoir recours à un donneur connu ou encore d’alléger la médicalisation des procédures actuelles. Il est malaisé à ce stade de présager de l’issue des débats en cours. Néanmoins, il nous paraît d’ores et déjà difficile d’envisager que le gouvernement intervienne, en proposant un texte, juste après l’adoption de la loi de bioéthique dont le processus d’élaboration, grâce aux états généraux de la bioéthique, est ouvert sur la société civile. Quant à la Cour européenne des droits de l’homme, elle a jugé irrecevable, le 8 février 2018, la requête d’un couple de femmes mariées dont l’une souffre de facteurs d’infertilité49. En effet, après le refus du Centre hospitalier universitaire, elles n’ont pas saisi les juridictions internes et ne satisfont donc pas au principe de subsidiarité qui oblige à épuiser d’abord les voies de recours internes. Cela ne signifie néanmoins pas que les juges de Strasbourg n’auront pas à se prononcer, un jour, au fond. Gageons que d’ici là le droit interne aura évolué de manière à rendre la requête dénuée d’intérêt. Marie Mesnil Magistrats et Greffiers, Avocats ensemble manifestent aujourd'hui 11 avril 2018 pour défendre une justice humaine accessible et égale pour tous. Les raisons de ces manifestations : En octobre dernier la Garde des Sceaux lançait ses cinq chantiers en vue de réformer la Justice. De la transformation numérique, du sens de la peine, de la modification de la procédure civile, pénale, et de l’organisation judiciaire, ces travaux d’Hercule devaient placer la justice au « cœur de l’œuvre de citoyenneté ». Elle indiquait alors vouloir travailler de concert avec tous les professionnels de Justice. Pourtant, en lieu et place d’une véritable concertation, les consultations étaient menées au pas de charge, de manière opaque et sous forme de questionnaires orientés, trahissant l’absence de volonté réelle de concertation et de réflexion. Le 15 janvier 2018, la ministre de la Justice rendait public les propositions des cinq chantiers ouverts en octobre. Elle déclarait alors que ce n’étaient que des propositions et qu’elle allait de nouveau « consulter ».Au lieu de cela après avoir entretenu le flou sur le chantier de l’organisation judiciaire et retardé au maximum la présentation des textes, le gouvernement dévoilait finalement son texte le 9 mars 2018, lequel confirmait les orientations et les dangers dénoncés par le SAF. Le 16 mars 2018, sous la pression de la profession, la Chancellerie concèdera seulement de retirer la déjudiciarisation des ventes immobilières, ayant réalisé que cela allait assécher les CARPA (lesquelles financent l’Aide Juridictionnelle) et de rétablir la présence de l’avocat pour les convocations sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) ! C’est évidemment totalement insuffisant ! En effet, loin de proposer une véritable réforme ambitieuse et efficace de la Justice, qui passe par une nécessaire augmentation des moyens matériels et humains impérative, tant pour réduire les délais de jugement que pour offrir un service public de la Justice de qualité à tous les justiciables, le projet a pour seul objectif la réduction des coûts via la déjudiciarisation à outrance, la dématérialisation et la privatisation de la Justice civile et ce, au détriment du justiciable. La justice aura-t-elle plusieurs visages ? Le PJL aborde principalement la « simplification » de la procédure pénale, l’efficacité et le sens de la peine, mais il traite également de la « simplification » de la procédure civile, et de l’organisation judiciaire. 1- Simplification de la procédure civile : - Extension du pouvoir d’injonction du juge de rencontrer un médiateur, en tout état de la procédure. - Le préalable obligatoire de conciliation avant toute saisine est généralisé, sauf exceptions qui seront fixées par décret. - Extension de l’offre des services privés de résolution des litiges en ligne, sans garanties relatives à l’impartialité, à la compétence et à la diligence de ces prestataires. - Recours à la procédure dématérialisée de règlement des litiges inférieurs à un montant défini par décret : la dématérialisation totale dans les procédures sans représentation obligatoire, sauf désaccord des parties. La mise en état et jugement sans audience, sans précision sur les modalités pratiques de transmission de pièces et d’arguments. La décision sera rendue sans audience, sauf demande des parties que le juge pourra toutefois écarter par décision motivée. - Traitement dématérialisé des requêtes en injonction de payer par un TGI à compétence nationale. Les oppositions aux ordonnances d’injonction de payer tendant exclusivement à l’obtention de délais de paiement relèveront également de cette « juridiction ». - Extension de la représentation obligatoire pour le contentieux devant le tribunal paritaire des baux ruraux, devant le juge de l’exécution (sauf en matière d’expulsion, si la créance à l’origine de la demande n’excède pas un certain montant), pour le contentieux des élections professionnelles et en matière de sécurité sociale et d’aide sociale en cause d’appel. - L’expérimentation pour 3 ans d’une déjudiciarisation de la révision des pensions alimentaires : la CAF ( ?) fixerait le montant de la contribution au moyen de barèmes qu’elle pourra, à titre exceptionnel, moduler. - Suppression de l’ordonnance de non-conciliation devant le JAF et réforme de la procédure du divorce. Les mesures provisoires, éventuellement nécessaires à l’organisation de la vie des époux ou des enfants pendant la procédure, pourront être prises à la demande de l’une ou l’autre des parties, dès l’introduction de la demande, devant le JME. - Nombreuses déjudiciarisations au profit des notaires et qui ne seront donc plus gratuites: o actes de notoriété constatant la possession d’Etat o recueil de consentement en matière d’assistance médicale à la procréation. Majeur protégés et mineurs : Suppression du contrôle préalable du juge pour certains actes qui relèvent soit exclusivement de la responsabilité du tuteur, soit de la responsabilité du professionnel intervenant à l’opération. Changement de régime matrimonial sans homologation judiciaire, même en présence d’enfant mineur. Contrôle des comptes de gestion ; il ne sera plus opéré par les directeurs de greffe mais par les organismes de protection des majeurs par principe ; à défaut, il est prévu un contrôle par « des professionnels du chiffre ou du droit ». La justice s'éloignera-t-elle du justiciable ? 2- Organisation territoriale - Maintien des implantations actuelles des TGI mais : a) Regroupement de l’ensemble des contentieux civils de première instance au sein du TGI. b) Disparition du tribunal d’instance et du juge d’instance. c) Tout ce qui relevait du TI sera jugé en juge unique. Les actuels tribunaux d’instance seront remplacés par des « chambres détachées » qui conserveront le nom « tribunal d’instance ». Les compétences matérielles de ces chambres détachées seront fixées par décret. Des compétences supplémentaires pourront être attribuées à ces chambres sur décision conjointe du président du TGI et du procureur. Dans les départements où plusieurs TGI sont implantés, l’un d’entre eux pourra être spécialement désigné par décret pour juger, dans l’ensemble du département, de certaines matières civiles et de certains délits ou contraventions dont la liste sera déterminée par décret en Conseil d’Etat. On retrouve ici l’idée de la spécialisation des contentieux sans aucune visibilité, puisque beaucoup de choses relèveront du réglementaire. Les chefs de cour et de juridiction sont chargés de proposer l’organisation la plus performante dans leur département pour la répartition des contentieux entre TGI et chambres détachées, ainsi que pour le choix des juridictions qui conserveront la plénitude de leurs compétences. - Expérimentation des cours d’appel « cheffes de file » pour 3 ans: Certaines cours se verront confiées par décret des compétences propres en matière civile. Les premiers présidents et des procureurs généraux assureront des fonctions d’animation et de coordination sur un ressort pouvant s’étendre à celui de plusieurs cours d’appel situées au sein d’une même région. Quelles conséquences pratiques pour le justiciable ? Quid de la distance géographique ? Encore une fois, le tout est flou puisque le projet renvoie à un décret, même s'il s'agit seulement d'une expérimentation. En matière pénale, le procureur général pourra confier à l’un des procureurs de son département, un rôle de coordination dans la mise en œuvre de la politique pénale. Un décret « pourra fixer la liste des tribunaux dans lesquels il n’y a pas de juge d’instruction », dans les limites d’un ou plusieurs juges d’instruction par département. De même, le projet prévoit qu’il existe au moins un juge d’application des peines par département, et que la liste des TGI comportant un ou plusieurs JAP est fixée par décret. Les juges de l’application des peines seront ainsi affectés dans un ou plusieurs tribunaux de grande instance du département, sans nécessairement siéger dans toutes les juridictions d’un même département. Quelle conséquence concrète pour le justiciable quant à l'éloignement géographique de son JAP ? En clair, des magistrats déplaçables d’un site à un autre, au mépris du principe d’inamovibilité qui est le corollaire de leur indépendance. Un blanc-seing laissé aux chefs de juridiction dans la gestion des effectifs. Plus d’affectation des dossiers sur des critères objectifs selon des règles claires, précises, préétablies et stables, pour que le juge ne puisse être choisi en fonction des affaires. Quelles libertés demain ? 3 - Simplification procédure pénale - Elargissement considérable des écoutes téléphoniques en enquête préliminaire : Facilitation des interceptions des communications électroniques et de la géolocalisation + extension des techniques spéciales d’enquête de sonorisation, de captation d‘images et des données/extension de leur champ/ suppression de l’autorisation préalable du JLD. - Extension de l’enquête sous pseudonyme. - Renforcement les pouvoirs des APJ et OPJ, au détriment du contrôle du JLD et sans garantie des droits de la défense. - Suppression de l’autorisation préalable du PR ou JI pour extension compétence des OPJ / extension des compétences des APJ - Garde-à-vue : présentation au PR facultative pour la première prolongation / délai de présentation de la personne déférée à la suite d’une GAV porté de 20h à 24h, 20h pour les mineurs. - Extension des pouvoirs des enquêteurs : extension de la durée de l’enquête de flagrance / possibilité pour les OPJ de pénétrer de jour au domicile pour l’interpellation d’une personne sur autorisation du PR. Développement du recours à la visioconférence : possible pour l’interrogatoire de première comparution, plus besoin de l’accord de la personne en matière de DP pour le débat JLD. - Mise en place, à titre expérimental, du Tribunal criminel départemental composé de 5 magistrats professionnels (dont jusqu’à 2 magistrats à titre temporaire ou magistrats honoraires). Fin de la cour d’assises pour la majorité des crimes (ceux qui encourent 15 et 20 ans) = sorte de correctionnalisation pour tous ces crimes (notamment viols), qui ne bénéficieront plus de la durée et de la qualité du procès d’assises. - Diminution de l’oralité au détriment des droits de la défense : suppression de l’interdiction d’interrompre le témoin. - Quid du principe d’égalité durant la phase d’expérimentation. - Généralisation du juge unique en première instance et en appel : extension de la compétence correctionnelle à juge unique pour des dizaines de nouveaux délits. - Limitation drastique de la plainte avec constitution de partie civile (délai du PR pour répondre à une plainte simple : porté de 3 à 6 mois et en plus, exige un recours hiérarchique devant le PG en cas de classement sans suite, et autorise le juge d’instruction à refuser la plainte avec constitution de partie civile lorsque la citation directe est possible. - Transfert de compétences de la chambre de l’instruction vers son président. - Les droits ouverts par l’article 175 du code de procédure pénale seront définitivement fermés à toute partie qui ne manifesterait pas expressément son intention d’en bénéficier, dans un délai très contraint de 10 jours à compter de l’envoi de l’avis de fin d’information. - CRPC: Possible « pré-information » de la personne sur la peine que le procureur envisage de lui proposer (donc consécration d'une forme officieuse de négociation). Fin de l’avocat obligatoire ? Suppression de la limite de la peine d’un an d’emprisonnement, possibilité de prévoir des révocations de sursis. 4 - Sens de la peine : Le PJL prévoit de nouvelles dispositions concernant le sens de la peine, un certain nombre vont dans le bon sens, mais sont inapplicables sans budget et certaines sont très discutables. - L’échelle des peines est redéfinie comme suit : 1° L'emprisonnement ; cet emprisonnement peut faire l'objet d'un sursis, d'un sursis probatoire ou d'un aménagement conformément aux dispositions du chapitre II du présent titre ; 2° La détention à domicile sous surveillance électronique ; 3° Le travail d'intérêt général ; 4° L’amende ; 5° Le jour-amende ; 6° Les peines de stages ; 7° Les peines privatives ou restrictives de droits prévues à l'article 131-6 ; 8° La sanction-réparation ; On remplace la contrainte pénale par la « détention à domicile », donc par la peine de bracelet. - Comme prévu dans les Chantiers Justice, les stages sont remis à plat dans un seul texte. - On prévoit la possibilité de confier la gestion des TIG à des personnes privées. L’accord du prévenu n’est plus sollicité comme prérequis. Il pourra s’y opposer s’il est présent ou il pourra faire connaitre son accord par écrit, s’il est représenté. Enfin le prévenu absent, sans avocat, pourra se voir prononcer un sursis-TIG et s’il refuse, lors la mise en exécution du TIG, la peine d’amende ou d’emprisonnement prévue s’appliquera alors (avec possibilité d’aménagement si peine ferme). - La peine de « détention à domicile » sera applicable aux mineurs de 16 à 18 ans. Il faut noter que cette mesure sera conditionnée à l’accord des parents et sera assortie d’une mesure éducative suivie par la PJJ. - La juridiction pourra ajourner le prononcé de la peine dans l’attente d’une enquête de personnalité, pour permettre le prononcé d'une peine de détention à domicile sous surveillance électronique, d'un travail d'intérêt général, d'une peine d'emprisonnement avec sursis probatoire ou d'une peine d'emprisonnement aménagée. La personne pourra être placée sous contrôle judiciaire ou détenue durant ce délai. - Suppression des peines fermes de moins un mois. Rappel que l’emprisonnement doit être une mesure de dernier recours. Peine de moins de 6 mois doit impérativement être aménagée (détention à domicile sous surveillance électronique, de la semi-liberté ou du placement à l'extérieur), sauf impossibilité matérielle et si la perso et la situation du condamné le permettent. La décision doit être spécialement motivée. - Le tribunal peut, pour les peines de moins d’un an, décider que le peine sera exécutée en tout ou partie sous le régime de la détention à domicile sous surveillance électronique, de la semi-liberté ou du placement à l'extérieur (selon modalités décidées par le JAP). Si le tribunal n’a pas d’éléments de personnalité pour prononcer ces mesures, il peut ordonner la convocation du condamné devant le JAP et SPIP pour un aménagement 723-15. - Détention à domicile possible que si accord du condamné. Rappel de son droit à avoir un avocat avant de donner cet accord. - Pour des condamnations de plus de 6 mois, un mandat de dépôt différé est possible avec convocation devant le procureur dans un délai d’un mois pour prendre un rendez-vous d’incarcération. - Pour une peine de plus d’un an, le tribunal devra motiver spécialement sa décision au regard des faits de l'espèce et de la personnalité de leur auteur, ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale. - L’aménagement des peines ne sera possible que pour les peines de moins d’un an. - La contrainte pénale, absorbe le SME et devient le sursis probatoire. - Si le condamné a satisfait aux mesures, obligations et interdictions qui lui étaient imposées pendant une durée au moins égale à la moitié de la peine de « détention à domicile » (ex bracelet), que son reclassement paraît acquis et qu'aucun suivi ne paraît plus nécessaire, le juge de l'application des peines peut, d'office ou sur requête du condamné, décider sur réquisitions conformes du procureur, mettre fin de façon anticipée à la peine de détention à domicile sous surveillance électronique. - La Libération sous contrainte doit être étudiée au 2/3 de la peine (pour toute peine de moins de 5 ans), sauf décision spécialement motivée du JAP. - Lorsqu'une première permission de sortir a été accordée à un condamné par le JAP, les permissions de sortir ultérieures peuvent être accordées par le chef d'établissement pénitentiaire. En cas de refus, possibilité de demander au JAP - L’avis de la CPMS est supprimé pour les demandes LC des longues peines. - Conversion pour les peines de moins de 6 mois ; le TIG devient un sursis-TIG car exécution peine si inexécution TIG, et pour les conversions en jour amende, le nombre de jours est égal à celui de la peine d'emprisonnement prononcée. - Dérogation à l’obligation de faire des enquêtes publiques pour l’extension et la création d’établissements pénitentiaires. - Procédure d’expropriation possible pour construire ou étendre des établissements pénitentiaires. - Report du moratoire sur I’encellulement individuel (prévu en 2019) à 2022. Pour une réelle concertation et une réforme lisible et proche du justiciable Magistrats et Greffiers, Avocats ensemble manifestent aujourd'hui 11 avril 2018 pour défendre une justice humaine accessible et égale pour tous. Le débat sur la filiation est de nouveau ouvert avec le Président Macron. Un choix politique sera fait sur le territoire français entre la PMA et la GPA.
Beaucoup de couples reviennent en France avec des enfants nés de GPA à l'étranger. La jurisprudence de la Cour de Cassation du 5 juillet 2017 va-t-elle être confirmée par la loi et le conjoint du "père présumé" sera-t-il reconnu comme à l'étranger comme étant le père ou la mère de l'enfant né d'une GPA ? La question mérite d'être posée. Comment notre législateur définira-t-il donc l'intérêt supérieur de l'enfant né d'une GPA ? La loi française doit elle protéger la mère étrangère qui a porté l'enfant ou l'enfant revenu sur le territoire français élevé par son "père présumé" et le conjoint de celui-ci ? S'agissant de la PMA, force est de constater que l'ouverture de celle-ci aux femmes célibataires permettrait aux couples homosexuels de procréer sur le territoire français avec l'assistance d'une femme célibataire de leur choix qui voudrait bien accepter de porter un enfant puis son adoption plénière en renonçant à ses droits. Cela deviendrait possible même dans un cadre "amical" et non rémunéré mais avec tous les risques que cela comporte pour la future mère et l'enfant à naître ainsi que je m'en suis expliquée dans de précédents articles consacrés à la GPA. Le petit monde des Bisounours. La Cour de cassation a rendu le 5 juillet 2017 quatre arrêts portant sur la transcription en France des actes de naissance d’enfants nés d’une gestation pour autrui (GPA) réalisée à l’étranger.
La Cour de Cassation juge qu’une gestation pour autrui (GPA) réalisée à l’étranger ne fait pas à obstacle, à elle seule, à l’adoption de l’enfant par l’époux de son père et à la transcription sur les registres de l’état civil français en ce qu’il désigne le père, mais pas en ce qu’il désigne la mère d’intention, qui n’a pas accouché. Ainsi un enfant né aux USA après conclusion d’un contrat de gestation pour autrui entre une mère américaine et un père français et reconnu par eux a fait l’objet, à la suite du mariage de son père français avec un conjoint français auquel il était lié par un pacte civil de solidarité depuis 2004, d’une procédure d’adoption simple par le père au profit de son conjoint. La Cour d’Appel de Dijon a rejeté la demande d’adoption simple, au motif :
Pour la Cour de Cassation, le recours à la gestation pour autrui à l’étranger ne fait pas, en lui-même, obstacle au prononcé de l’adoption, par le conjoint du père, de l’enfant né de cette procréation, si les conditions légales de l’adoption sont réunies et si elle est conforme à l’intérêt de l’enfant. L’arrêt d’appel est également cassé au visa des articles 348 et 361 du code civil, l’existence, la sincérité et l’absence de rétractation du consentement à l’adoption donné par la mère de l’enfant ayant été constaté. Les supputations de la Cour d'Appel sur les conséquences de l'insincérité présumée du consentement initial de la mère (appréciations de faits) sont balayées par la Cour de Cassation. Ainsi cet enfant aura une filiation paternelle biologique, une filiation maternelle biologique et un parent supplémentaire d’adoption simple. La décision de la Cour de Cassation permettra à cet enfant plus tard de rechercher éventuellement sa mère biologique. Mais qu’en est-il d’un enfant conçu à l’étranger d’une GPA avec un don de sperme et/ou un don d’ovocyte ? Est-ce que les lois futures des états où auront été signé le contrat de GPA, conçu et né l’enfant, lui permettront de rechercher ses parents biologiques (notamment pour des raisons médicales) ? Comment préserver l’intérêt de l’enfant ? |
« Je jure, comme avocat, d'exercer mes fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité ».
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Janvier 2021
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